Sébastien Lecornu
Lecornu s’impose depuis une quinzaine d’années comme un praticien du pouvoir : ancré localement dans l’Eure, promu aux Armées en 2022, puis propulsé Premier ministre le 9 septembre 2025, avant d’annoncer le 6 octobre 2025 sa démission – la plus brève de la Ve République – sur fond de menaces de censure et de majorité introuvable. Emmanuel Macron lui a demandé de rester 48 heures pour d’ultimes négociations afin d’éviter une crise institutionnelle ouverte.

Informations clés
Nom complet | Sébastien Lecornu |
Naissance | 11 juin 1986, Eaubonne (Val‑d’Oise) |
Partis | UMP (2002‑2015), Les Républicains (2015‑2017), LREM/Renaissance (depuis 2017) |
Fonctions locales | Maire de Vernon (2014‑2015) ; Président du conseil départemental de l’Eure (2015‑2017, 2021‑2022) |
Fonctions gouvernementales | Secrétaire d’État à la Transition écologique (2017‑2018) ; Ministre chargé des Collectivités territoriales (2018‑2020) ; Ministre des Outre‑mer (2020‑2022) ; Ministre des Armées (2022‑sept. 2025) |
Premier ministre | 9 septembre – 6 octobre 2025 (démission) |
Méthode affichée à Matignon | Renoncement à l’usage du 49.3 pour le budget 2026 ; recherche d’accords parlementaires |
Profession/grade | Colonel de réserve de la Gendarmerie nationale |
Proches et mentors | Proximité ancienne avec Bruno Le Maire (assistant puis conseiller) |
Biographie et formation

Né à Eaubonne (Val‑d’Oise) le 11 juin 1986, Sébastien Lecornu grandit en Normandie et passe par le lycée Saint‑Adjutor (Vernon). Il suit des études de droit public à l’Université Paris‑II Panthéon‑Assas (licence puis M1). Il est par ailleurs colonel de réserve de la Gendarmerie nationale, ce qui nourrit sa culture de la défense.
À l’automne 2025, une polémique sur son diplôme éclate : son CV avait laissé croire à un « master » (bac+5) alors qu’il s’agit d’un master 1 (bac+4). Interrogé, Lecornu évoque une « fausse polémique », reconnaissant avoir validé un M1 mais pas un master complet ; la fiche officielle a été rectifiée.
Côté réseaux, Lecornu est très tôt au « premier cercle » de Bruno Le Maire (assistant parlementaire, puis conseiller lorsqu’il est aux Affaires européennes et à l’Agriculture). Ces années l’installent dans une droite gaulliste et gestionnaire, sensible aux sujets d’industrie et de finances publiques.
Débuts et ancrage local

Dès l’adolescence, il milite à l’UMP, puis s’implante dans l’Eure. Élu maire de Vernon en 2014, il devient en 2015 président du conseil départemental de l’Eure (à 28 ans, l’un des plus jeunes à ce niveau). L’opposition lui reproche alors une politique « musclée » contre la fraude au RSA et plusieurs décisions de rationalisation (dont des fermetures de collèges sous‑occupés) ; lui revendique la rigueur budgétaire et la non‑augmentation des impôts locaux.
Après un premier passage au gouvernement (2017), il quitte l’exécutif départemental, y reviendra brièvement en 2021–2022, puis rejoindra Matignon en 2025. Ce va‑et‑vient entre le local et l’État, fréquent dans la Ve République, structure sa pratique politique : gestion, arbitrages financiers, capacité à négocier avec les élus.
Ascension gouvernementale (2017–2022)
Sous Emmanuel Macron, Lecornu change d’échelle :
- 2017–2018 : Secrétaire d’État à la Transition écologique (gouvernement Édouard Philippe).
- 2018–2020 : Ministre chargé des Collectivités territoriales.
- 2020–2022 : Ministre des Outre‑mer (gouvernement Jean Castex).
À l’Outre‑mer, il gère des crises sensibles (Antilles 2021) et ouvre le débat sur une éventuelle autonomie de la Guadeloupe (« Il n’y a pas de mauvais débats … »), provoquant des réactions vives jusque dans l’hémicycle ; il précisera ensuite sa position.
Ministre des Armées (2022–2025) : modernisation, production, Ukraine

Nommé en mai 2022, il conduit la préparation puis la mise en œuvre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024–2030 (enveloppe de 413 Md€ sur 7 ans : dissuasion, renseignement, cyber, sol‑air, spatial, marine, montée en puissance de la réserve).
Côté industriel, la guerre en Ukraine pousse la France à accélérer : cadence de production des obus 155 mm et des canons CAESAR, possible recours à des réquisitions en cas de tension sur les chaînes d’approvisionnement (métaux, poudres, composants).
Sur le soutien à l’Ukraine, Lecornu orchestre (avec partenaires) des livraisons d’artillerie CAESAR et d’obus, ainsi que des financements partagés (France, Danemark, etc.) ; Paris annonce la montée à 78 CAESAR destinés à Kyiv et l’augmentation des obus à 80 000/an à mi‑parcours de la guerre.
Au plan géopolitique, la Nouvelle‑Calédonie (violences 2024) perturbe la trajectoire indo‑pacifique de la France ; Lecornu est en première ligne pour concilier impératifs de souveraineté et stabilisation locale.
Matignon 2025 : un gouvernement éclair

Nomination et cadre institutionnel
Le 9 septembre 2025, un décret (JO) nomme Sébastien Lecornu Premier ministre. L’Élysée lui assigne une mission : construire une majorité d’idées suffisante pour adopter un budget et des réformes prioritaires.
Dès le 3 octobre 2025, il annonce renoncer au 49.3 pour la loi de finances 2026, appelant à une « méthode parlementaire ». L’exécutif assume de déporter une partie du pouvoir vers l’Assemblée et le Sénat pour bâtir des compromis.
Dans la nuit du 4 au 5 octobre, il transmet une feuille de route aux dirigeants du socle commun (Renaissance, LR, MoDem, Horizons, UDI) : priorité absolue au budget 2026, avec appel à « s’unir » malgré les divergences.
Face à une majorité introuvable, Olivier Faure (PS) prévient que, « si la donne ne change pas, nous nous dirigeons vers la censure ». Le Rassemblement national décline l’invitation à négocier ; chez LR et au centre, les critiques conservent du poids.
Démission… ou pas ?
Le 6 octobre au matin, Sébastien Lecornu remet sa démission, acceptée par le président de la République après seulement vingt-sept jours à Matignon — un record de brièveté sous la Ve République. À la demande de l’Élysée, il accepte pourtant de rester encore quarante-huit heures, le temps de finaliser des négociations délicates sur le budget et la Nouvelle-Calédonie.
Durant ces deux jours, les tractations s’intensifient : ni l’opposition ni les alliés centristes ne parviennent à s’entendre sur un successeur, et les discussions budgétaires menacent de s’enliser. Lecornu, jusque-là décidé à quitter la scène, apparaît soudain comme la seule figure capable de maintenir un fragile équilibre. Sous la pression des députés modérés et après un échange prolongé avec Emmanuel Macron, il accepte finalement de reprendre les rênes du gouvernement.

Crise politique : les coulisses du retour de Sébastien Lecornu à Matignon
Le 10 octobre 2025, contre toute attente, le chef de l’État annonce sa reconduction à Matignon — non pas comme un simple retour, mais comme un pari sur la stabilité politique au cœur d’une période de turbulences.
Positions, idées et style politique
- Parlementarisme assumé (Matignon 2025). Renoncement au 49.3 pour la loi de finances : afficher une « rupture » procédurale en redonnant du jeu aux Chambres. Objectif : faire « vivre » un budget d’ici au 31 décembre par compromis successifs (amendements, trajectoires, clauses de revoyure).
- Ancrage à droite, gaullisme social. Son autoportrait oscille entre « plutôt gaulliste, séguiniste, fondamentalement de droite », mais pro‑européen ; portrait parfois plus nuancé par la presse.
- Collectivités/territoires. Héritage de son passage aux collectivités : discipline budgétaire, rationalisation des services, aversion pour les hausses d’impôts locaux ; discours de responsabilité financière dans l’action publique.
- Outre‑mer. Pragmatisme : ouvrir le débat institutionnel (autonomie Guadeloupe) pour débloquer des crises sociales – sans confondre autonomie et indépendance.
- Défense. Cap sur la LPM 2024–2030 et l’accélération industriel‑militaire (munitions, CAESAR, composantes critiques) ; soutien concret à l’Ukraine en coalition.
Vie personnelle
Sébastien Lecornu reste discret sur sa vie privée et n’aborde jamais publiquement ce sujet. Aucune source officielle ne mentionne d’épouse ni d’enfants, et les fiches biographiques du gouvernement comme celles de la HATVP ne précisent pas sa situation familiale. Il semble privilégier la confidentialité sur ce plan.
Controverses et critiques
- Diplôme (2025). Rectification officielle de son parcours (M1 en droit et non « master »), qu’il qualifie de polémique « sociale » et « insignifiante ». Cette affaire a nourri des procès en sincérité au début de son passage à Matignon.
- Composition 2025, « continuité » vs « rupture ». La présence de nombreux poids lourds et le retour de Bruno Le Maire aux Armées ont été lus comme un signal de continuité, loin de la rupture promise, alimentant la défiance du Parlement et des partenaires de coalition.
Actions saillantes – Ministère des Armées
- LPM 2024–2030 (413 Md€). Rehaussement inédit des crédits ; accent sur munitions, renseignement, cyber, spatial, sol‑air, réserves. Impact : soutenir l’attrition ukrainienne tout en regarnissant les stocks français et en sécurisant les chaînes d’approvisionnement.
- « Économie de guerre ». Hypothèse de réquisitions ciblées (personnels, stocks, machines) pour soutenir des chaînes critiques (obus 155 mm, A2SM/AASM, etc.).
- Ukraine. Renforcement du dispositif artillerie (CAESAR) et montée des obus à 80 000/an avec partenaires (France, Danemark…), tout en contribuant à des montages européens (initiative tchèque munitions).

Sébastien Lecornu, ministre des Armées : attentats déjoués, tout ce qu’on ne sait pas
Chronologie détaillée (2014–2025)
Date / Période | Événement ou fonction |
|---|---|
2014 | Élu maire de Vernon (Les Républicains). |
2015 | Devient président du conseil départemental de l’Eure (réélu 2021–2022). |
2017 | Entrée au gouvernement : secrétaire d’État à la Transition écologique, puis ministre chargé des Collectivités territoriales. |
2020–2022 | Ministre des Outre-mer : gestion des crises aux Antilles et débats sur l’autonomie de la Guadeloupe. |
2022–2025 | Ministre des Armées : mise en œuvre de la Loi de programmation militaire 2024–2030, accélération industrielle et soutien à l’Ukraine. |
9 septembre 2025 | Nommé Premier ministre par décret (Journal officiel) ; communiqué de l’Élysée et d’info.gouv. |
3 octobre 2025 | Annonce : refus d’utiliser le 49.3 pour faire adopter le budget 2026. |
5 octobre 2025 | Transmission de la feuille de route au « socle commun » ; composition du gouvernement dévoilée. |
6 octobre 2025 | Démission du gouvernement après 27 jours ; Emmanuel Macron accorde 48 h pour des “ultimes négociations”. |
7 octobre 2025 | Discussions finales centrées sur le budget et la Nouvelle-Calédonie ; Lecornu exclut toute reconduction à Matignon. |
Faits intéressants
- Plus jeune président de conseil départemental à son élection (2015), symbole d’une ascension précoce.
- Réserviste (colonel) de la Gendarmerie : singularité parmi les Premiers ministres de la Ve.
- Proximité avec Bruno Le Maire (assistant, conseiller, allié).
Conclusion
Sébastien Lecornu incarne une trajectoire de technicien‑politique : ancrage local solide, ascension linéaire vers les postes régalien et, enfin, Matignon. Son pari parlementaire de l’automne 2025 – renoncer au 49.3 pour « laisser respirer » l’Assemblée et dégager un budget négocié – a marqué un choix de méthode rare sous la Ve République. Mais l’arithmétique de l’Assemblée et les logiques partisanes (menace de censure, refus de compromis, critiques internes) ont rompu l’élan en 27 jours, malgré une feuille de route adressée au « socle commun » et un gouvernement enfin annoncé. L’héritage immédiat de ce bref épisode est paradoxal : il cristallise la limite d’une stratégie de compromis sans majorité formelle, tout en laissant une trace – celle d’un chef de gouvernement acceptant de déverrouiller la procédure pour forcer le débat. Qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, cette séquence éclaire la fragilité du compromis politique en France en 2025 et rappelle combien les équilibres institutionnels (Assemblée sans majorité, pression des oppositions, contrainte budgétaire) pèsent plus que les traits personnels des dirigeants. Lecornu, réserviste et organisateur, restera aussi le ministre des Armées qui a lancé une LPM ambitieuse et renforcé le soutien à l’Ukraine, en y associant une accélération industrielle tangible – autre visage, plus discret mais plus durable, d’une carrière conduite à grande vitesse.
Foire Aux Questions
Pourquoi Lecornu est-il nommé Premier ministre malgré le contexte instable ?
Macron cherchait un profil fidèle, apte à négocier entre les forces centristes et de droite. Lecornu, avec sa trajectoire ministérielle et son image de gestionnaire, était perçu comme quelqu’un de capable de renouer le dialogue. De plus, le rejet du gouvernement Bayrou obligeait à un changement drastique dans la méthode.
Quelle était la “feuille de route” de Lecornu ?
Elle contenait les axes budgétaires (budget 2026, sans usage du 49.3), des mesures pour les retraites, la santé, la maîtrise des dépenses, la lutte contre la fraude, ainsi qu’un appel à l’unité politique autour du “socle commun”.
Quels sont les motifs exacts de sa démission ?
Il invoque l’impossibilité de concilier les ambitions partisanes, des blocages institutionnels, le réveil de “quelques appétits partisans”, et le manque d’une majorité stable.
Quel parti a le plus contribué à l’échec ?
Les Républicains (LR) jouent un rôle central : l’opposition de Bruno Retailleau à la nomination de Le Maire sans consultation, le scepticisme des parlementaires LR, et les menaces de censure ont fragilisé le gouvernement dès ses premiers instants.
Lecornu retournera-t-il à un poste ministériel ou politique ?
Cela reste incertain. Même s’il conserve ses mandats locaux (mairie, département), sa crédibilité nationale est durablement affectée par cet échec. Certains ministres “passifs” de son gouvernement pourraient toucher des indemnités ou en conserver certains droits, mais cela dépend des règles de cumul et des fonctions exercées (certains ministres n’ayant jamais réellement pris leurs fonctions).
Que peut faire Macron maintenant ?
Il a plusieurs options : nommer un Premier ministre issu d’un arc plus large (gauche + centre), dissoudre l’Assemblée nationale et convoquer des élections anticipées, ou tenter de recomposer une majorité avec les forces existantes. Chaque voie comporte ses risques politiques.






