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Rached Ghannouchi, chef du parti tunisien Ennahdha : “l’homosexualité est un phénomène naturel”

Cet article explore la position de Rached Ghannouchi, leader du parti tunisien Ennahdha, concernant l’homosexualité. Il met en lumière les débats que cette thématique suscite en Tunisie et examine ses implications sur les libertés individuelles. Le texte propose également un aperçu du contexte politique d’Ennahdha, de son évolution idéologique et des perspectives d’avenir liées à cette question sensible.

par Tarek Hafid

Sommaire
Rached Ghannouchi, chef du parti tunisien Ennahdha – lors d’un discours officiel au Parlement.

Rached Ghannouchi, leader du parti tunisien Ennahdha, a récemment fait une déclaration surprenante au cours d’une interview accordée au magazine Jeune Afrique, publiée dans son numéro daté du 28 mars 2018. Il y affirme que « l’homosexualité est un phénomène naturel » et qu’il n’est pas nécessaire d’entrer dans les affaires privées des individus si ceux-ci ne nuisent à personne.

Dans son entretien, Ghannouchi souligne qu’il défend la liberté de chacun de mener la vie qu’il souhaite, tant que cela ne porte pas préjudice aux autres. « Nous ne devons pas nous préoccuper de ce qui se passe dans les maisons », précise-t-il, rappelant l’idée que le domaine privé ne devrait pas faire l’objet d’une ingérence excessive de la part des autorités. Le journal tunisien Réalités avait déjà évoqué, dans un article paru le 27 mars, que le leader d’Ennahdha refusait la criminalisation de l’homosexualité. Selon lui, toute personne est responsable de ses actes devant Dieu, et la loi ne devrait pas se mêler de la vie personnelle quand il n’y a pas d’atteinte à autrui.

Ces déclarations ont fait grand bruit dans le pays, où les mentalités évoluent mais restent marquées par un héritage socioculturel souvent conservateur. De nombreux observateurs se demandent si la prise de position de Ghannouchi représente un réel tournant dans l’orientation idéologique d’Ennahdha ou si elle découle davantage d’une stratégie politique, visant à gagner la sympathie des milieux libéraux et des instances internationales qui plaident pour une meilleure protection des droits humains.

Contexte historique et position d’Ennahdha

Le parti Ennahdha, parfois considéré comme une formation d’inspiration islamiste, a vu son influence augmenter à la suite de la révolution tunisienne de 2011, laquelle a ouvert la voie à une transition démocratique. À ses débuts, Ennahdha était souvent perçu comme un parti conservateur, notamment sur les questions relatives aux droits des femmes ou des minorités. Toutefois, au fil du temps, ses représentants ont amorcé une évolution dans leur discours, exprimant davantage de flexibilité sur les enjeux de société et se présentant de plus en plus comme un parti « démocrate musulman » plutôt qu’islamiste à strictement parler.

Rached Ghannouchi a joué un rôle majeur dans cette transformation progressive, cherchant à concilier valeurs religieuses et principes démocratiques. Bien que des débats internes subsistent au sein du parti quant aux questions de liberté individuelle et d’égalité, la déclaration récente sur l’homosexualité témoigne d’un certain désir d’adaptation aux réalités du monde actuel. Certains y voient une tentative de modernisation et d’ouverture, tandis que d’autres pointent une manœuvre de communication visant à maintenir l’intérêt de partenaires internationaux et de franges plus libérales de l’électorat.

Rached Ghannouchi, chef du parti tunisien Ennahdha – au milieu de ses partisans lors d’un rassemblement.

Réactions et enjeux futurs

Les réactions suscitées par la prise de position de Ghannouchi témoignent de la complexité du débat en Tunisie. Les défenseurs des droits humains et les associations LGBT saluent ses propos, y voyant une avancée vers la décriminalisation de l’homosexualité, encore pénalisée par l’article 230 du Code pénal tunisien. Dans un pays où la société civile se mobilise de plus en plus pour revendiquer ses droits, cette déclaration pourrait encourager un dialogue constructif sur la question des libertés individuelles.

D’un autre côté, des voix plus conservatrices s’élèvent pour dénoncer une atteinte aux valeurs religieuses et morales traditionnellement ancrées dans la société tunisienne. Selon elles, l’homosexualité ne devrait pas être reconnue comme un phénomène naturel, et la loi doit continuer de refléter les normes culturelles majoritaires. De plus, certains critiques accusent Ennahdha de viser essentiellement à « se refaire une image » auprès de l’opinion internationale, sans pour autant engager de véritables réformes législatives.

Qu’il s’agisse d’une évolution sincère ou d’une stratégie politique, les propos de Rached Ghannouchi ont relancé le débat sur la place des libertés individuelles en Tunisie. La suite dépendra de la manière dont le gouvernement et le Parlement répondront à ces signaux d’ouverture, ainsi que de la capacité de la société civile à continuer son travail de sensibilisation. Dans ce processus, les déclarations publiques de figures politiques influentes peuvent peser lourd, en contribuant à redéfinir les contours de la liberté d’expression et de la protection des droits fondamentaux dans le pays.

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